Témoignages

« J’ai pu rentrer chez Motte parce que j’étais catholique »

Photo: Manifestation pour l’emploi au Moulinages Motte, parvis de l’hôtel de Ville de Mouscron, 1878. Archives FGTB via AMSAB

Rencontre avec Chantal Dumortier, qui a travaillé aux Moulinages Motte dès 1968, à 14 ans, et ce pendant 10 ans. Un parcours qu’elle raconte avec beaucoup de plaisir et d’anecdotes. Témoignage d’une époque différente pour les jeunes filles !

Parcours

Un peu d’histoire… « J’ai commencé à 14 ans aux Moulinages Motte, à Mouscron, en 1968. Je sortais du Sacré-Cœur, toutes mes copines allaient travailler… Mon père avait alors dit : « Si tu vas travailler, tu pourras sortir ». Sinon je devais rester à la maison avec ma mère. Donc j’ai décidé de travailler. Mes parents sont allés voir le directeur des Moulinages Motte, M. Dermaux, pour voir s’il y avait des places. J’étais engagée le premier juillet, à ma sortie d’école. J’ai fait l’équipe de l’après-midi, pendant 10 ans.  J’ai commencé comme bâcleuse, puis je suis entrée à la retorderie. Ma sœur m’a rejointe par la suite.« 

Un vent de liberté

« Le travail, c’était la liberté ! C’était un jeu pour nous. Un moyen de sortir de chez nous. On partait travailler en bus, au départ de la place du Tuquet, avec les bus Cossement. Le bus nous déposait au niveau du pont Sainte-Thérèse. On commençait à 1h, l’après-midi, et on pouvait dîner à l’entreprise avant de commencer.

Tout était géré par nos parents. C’était comme ça à l’époque. On travaillait la semaine, on pouvait un peu sortir le samedi. On recevait notre paie, mais on n’ouvrait pas l’enveloppe ! Elle partait directement à nos parents, et éventuellement on recevait notre « dimanche » si on avait bien travaillé durant la semaine. Pas si on avait été malade ! Car si on ne pouvait pas travailler, on ne pouvait pas sortir non plus ! Ma première paie, je l’ai eue « pour moi » après mon mariage seulement, en 1976 ! »

Chez Motte, on filait droit

« Ce qu’il faut savoir, c’est que ma sœur et moi, on a pu rentrer chez Motte parce qu’on était catholiques. C’était très religieux, très encadré. Un exemple : dans notre secteur, il n’y avait que des femmes. Les hommes travaillaient pendant la nuit, juste après nous. Il arrivait donc que les équipes se croisent lors des changements. Mais attention, si une fille était surprise à parler à un homme, elle était appelée le lendemain au bureau pendant la pause, et remise au pas !

C’était typique de chez Motte. Je me souviens avoir eu des courtes périodes de travail en France, c’était différent à ce niveau. La condition des femmes était toute autre. Nous pouvions parler à un collègue masculin sans recevoir de remontrances… Chez Motte on filait droit. On ne pouvait pas aller à plusieurs aux toilettes, par exemple. Et le contenu de nos sacs était surveillé. Les garçons n’étaient pas autant tenus à l’œil. On avait coutume de dire que s’il y avait un coq dans la basse-cour, c’était aux poules de courir plus vite pour ne pas se faire attraper ! »

Chantal quittait les Moulinages Motte en 1978, quand la crise a frappé. « Il y a eu des appels aux départs volontaires… J’étais enceinte de mon fils. J’ai pris cette opportunité. Je suis restée à la maison avec mes enfants pendant 10 ans, avant de poursuivre ma carrière, notamment chez Deltex. »


« Il y avait une équipe de foot féminine « Moulinages Motte ». Je jouais ! Mais j’ai dû arrêter car le docteur a dit que j’attrapais de trop gros mollets… »

— Chantal Dumortier

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